#01- L’image du mois : camp d’internement de Pithiviers (rafle du billet vert)

#01- L’image du mois : camp d’internement de Pithiviers (rafle du billet vert)

Internement au camp de Pithiviers des hommes, juifs et étrangers, arrêtés lors de la rafle dite du billet vert (le 14 mai 1941) : la corvée de soupe – Pithiviers (Loiret), 15 mai 1941 – photographie pour le journal Le Matin.

Coll. Musée de la Résistance nationale/Fonds David Diamant – Union des juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE).

Pithiviers, mai 1941. Le Matin. Coll MRN
Camp d’internement de Pithiviers, mai 1941. Le Matin. Coll MRN

Le 13 mai 1941, la préfecture de Police de Paris remet quelques 6 500 convocations individuelles – les billets verts – établies à l’aide du fichier du recensement (le fichier Tulard) dressé à partir de septembre 1940 par les autorités françaises sur ordre allemand. Les personnes convoquées sont invitées à se présenter pour « examen de leur situation » dans le centre indiqué par le billet ou dans le commissariat de quartier. Près de 3 750 juifs, étrangers, principalement polonais, autrichiens et tchèques, hommes âgés de 18 à 60 ans, se présentent aux autorités françaises et sont arrêtés. Ils sont ensuite transférés en bus vers la gare d’Austerlitz puis, par trains spéciaux, vers les camps d’internement du Loiret : Pithiviers (1 570 internés) et Beaune-la-Rolande (2 140 internés).

En juillet 1942, ils seront déportés vers le camp de concentration d’Auschwitz. La photographie de la corvée de soupe à laquelle s’astreignent les internés est prise le 15 mai, lendemain de l’internement à Pithiviers. Les rations quotidiennes délivrées pendant les treize mois d’internement sont maigres, bien que complétées dans les premiers temps par la réception de colis familiaux. Le journal collaborationniste Le Matin, commanditaire du reportage photographique commente cependant dans son édition du 16 mai 1941 : « Bien des sinistrés de guerre, en nos provinces du Nord, bien des prisonniers, n’ont pas ce confort… ».
Le Matin, 18 mai 1941 (Numéro 20865).
Le Matin, 18 mai 1941 (Numéro 20865). Source Gallica, BnF.

En vue de sa publication, l’épreuve photographique est recadrée et repeinte, estompant les baraques et la foule des internés. Publiée en une du Matin le 18 mai, elle est surmonté du titre « à Pithiviers, les juifs font du camping … forcé » et accompagnée de la légende « La première corvée de pain. Photo « Le Matin ».

Le discours de propagande antisémite est insinué par le recadrage, la force évocatrice de l’image et sa confrontation au reste de l’actualité. Les deux internés, dont l’un se cache le visage, qui portent la soupe ont disparu. La photographie qui paraît montre un homme goguenard, portant trois ou quatre gros pains. C’est l’abondance à laquelle aurait droit ces juifs étrangers qui s’affiche ainsi, en période de rationnement, en une à côté des articles sur la pénurie, les embargos, le nécessaire rationnement et la solidarité pétainiste tels que « La viande n’est pas indispensable, sachez composer de nourrissants menus végétariens » ; « L’Amérique n’envoie plus de vivres à la France » ; « Le goûter dans les écoles » distribué par le « Secours national d’entr’aide d’hiver du Maréchal ».
Les commentaires sont clos.