#23 – L’objet du mois : le chêne de Goethe à Buchenwald
Die Goethe-Eiche
En 1937, lors de l’édification du camp de concentration de Buchenwald, sur la colline d’Ettersberg, près de Weimar, en Allemagne, les bâtisseurs épargnent un « gros chêne » (signalé comme tel sur les cartes), dont il ne subsiste aujourd’hui que la souche. Johann Wolfgang Goethe ayant résidé à Weimar au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, et ayant fréquemment visité la colline de l’Ettersberg, les déportés surnommèrent cet arbre « le chêne de Goethe » (Die Goethe-Eiche).
Situé au centre de la place d’appel, l’arbre est respecté des SS comme des déportés. Ce symbole d’une Allemagne autrefois humaniste, désormais viciée par le nazisme, donne, pour ces derniers, matière à une légende : si le chêne de Goethe venait à être abattu, ce serait aussi la mort de l’Allemagne nazie. En août 1944, les bombardements alliés endommagent sévèrement le chêne de Goethe. Il est alors abattu… Plusieurs déportés emporteront avec eux des morceaux, fragments ou copeaux de l’arbre.
Sa présence marque durablement les esprits. Son évocation, porteuse d’espoir, est au cœur de bien des expressions artistiques et des témoignages de nombreux déportés, notamment dans l’œuvre littéraire de Jorge Semprun (Quel beau dimanche, 1980). Plusieurs morceaux du chêne de Goethe circulent aujourd’hui dans les collections liées à la Résistance et la déportation. Ce fragment du chêne de Goethe porte une plaque en métal gravée de l’inscription suivante : « Chêne Goethe 1944 Buchenwald ». Le MRN conserve également un objet fabriqué par Pierre Provost à partir d’un fragment du chêne ainsi qu’une médaille de camaraderie figurant l’infrastructure du camp (four crématoire), la forêt de l’Ettersberg et le chêne du poète.