#22 – L’objet du mois : les semelles de bois
La symphonie des semelles de bois
Pendant la période de l’Occupation et à la Libération, pénurie oblige, les Français doivent user de multiples stratagèmes pour survivre. Si le système D fonctionne à « plein régime » pour l’alimentation, on ne manque pas d’imagination non plus pour se vêtir. Cette ingéniosité due aux circonstances permet même de lancer des tendances qui vont perdurer jusqu’à nos jours : ficelles méticuleusement tressées pour faire un sac, une ceinture ou un chapeau, semelles compensées. Le cuir est remplacé par du carton bouilli, du feutre ou du papier journal recyclé. La fibranne et la rayonne (dite « soie artificielle »), matières déjà présentes avant-guerre, se développent pour remplacer la laine et la soie.
À partir de 1942, des semelles de toutes sortes inondent le marché français. Les plus répandues sont celles que la société Smelflex lance sur le marché à la fin de l’année 1941. Le principe, issu d’un brevet allemand (semelle Zierold), est simple : on rend plus souples des semelles en contreplaqué grâce à des coups de scie donnés en zigzag. Les publicités de l’époque ventant la souplesse de ces semelles et la chanson de Maurice Chevalier La symphonie des semelles de bois (« Tap, tap, tap, faut te réveiller/Te lever, travailler/En marchant les midinettes/semblent faire des claquettes ») ne trompent pas le consommateur. Les témoignages de l’époque décrivent ces semelles articulées trop rigides, lourdes et glissantes, empêchant toute marche rapide. Le modèle présenté ici a été réalisé sous l’Occupation par la menuiserie Mousseau dans le XIe arrondissement de Paris.
Si le fameux « bruit des bottes », indissociable de l’Occupation allemande, a marqué durablement les esprits au point de le retrouver dans toutes les bonnes « bandes sons » de l’après-guerre, le son pourtant caractéristique du claquement des semelles en bois sur les pavés est souvent oublié dans les films et les reconstitutions historiques.