Les 23 fusillés de l’Affiche rouge

Les 23 fusillés de l’Affiche rouge

Les « 23 » sont majoritairement jeunes. Les raisons de leur engagement sont diverses, mais les persécutions qu’ils ont subies avant-guerre dans leur pays d’origine et qu’ils continuent à subir en France pendant l’Occupation motivent généralement leurs actions. 
Ils sont étrangers, apatrides pour certains, Français pour d’autres. On compte des Hongrois, des Polonais, des Roumains, des immigrés juifs, tous contraints à la clandestinité pour fuir la Gestapo et ses supplétifs de Vichy. D’autres sont des Républicains espagnols, des brigadistes, des antifascistes ayant fui l’Italie de Mussolini, ou encore des Arméniens rescapés du génocide. Une fois arrêtés, ils sont incarcérés à la prison de Fresnes dans l’attente du procès qui débouche sur leur exécution le 21 février 1944.
À ces « 23 », s’ajoutent Mélinée Manouchian, impliquée dans la reconnaissance de son époux et qui l’accompagne au Panthéon, mais aussi Joseph Epstein, responsable des FTP de la région parisienne.

Fusillés à 15h22
Missak Manouchian / Spartaco Fontanot / Roger Rouxel / Amadeo USSEGLIO-POLATERA / Robert Witchitz
Fusillés à 15h29
Georges Cloarec / Rino Della Negra / Cesar Luccarini / Antoine Salvadori
Fusillés à 15h40
Celestino Alfonso / Joseph Boczor / Emeric Glasz / Marcel Rayman
Fusillés à 15h47
Thomas Elek / Maurice Fingercwajg / Jonas Gelduldig / Wolf Wajsbrot
Fusillés à 15h52
Léon Goldberg / Armenak Manoukian / Salomon [Willy] Schapiro Wolf
Fusillés à 15h56
Szlama Grzywacz / Stanislas Kubaki

Fusillé le 11 avril 1944 au Mont-Valérien
Joseph Epstein
Décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart en Allemagne
Olga Bancic
Survivante
Mélinée Manouchian

Fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien

Missak MANOUCHIAN
Arménien, 37 ans, exécuté à 15h22

Rescapé du génocide arménien, il est le quatrième et seul survivant d’une famille de la diaspora arménienne en Turquie. Il rejoint la France en 1925 avec son frère Garabed qui décède quelques années plus tard. Il travaille d’abord dans les chantiers navals du secteur de Marseille puis monte à Paris où il devient ouvrier tourneur chez Citroën. Il est licencié au début de la crise des années 1930. Il se livre alors à des activités artistiques et sportives. Amoureux des lettres, il crée deux revues littéraires en arménien. À partir de 1934, il adhère au PCF. Il est également secrétaire du Comité central de Secours pour l’Arménie et responsable du journal en arménien de la MOI. Il épouse Mélinée Assadourian en 1936. Arrêté au début de la Drôle de guerre, il est libéré et rejoint l’armée. En janvier 1940, il procède à une nouvelle demande de naturalisation française qui lui est refusée. Démobilisé, Manouchian est intégré dans une usine de la Sarthe. Au début de 1941, il rejoint Mélinée à Paris. Il est arrêté à l’été 1941 puis libéré en septembre. Il assume alors dans la clandestinité la responsabilité de la section arménienne de la MOI et mène des actions de propagande. En février 1943 il rejoint les FTP-MOI. Il est nommé commissaire technique en juillet 1943 puis en août, commissaire militaire pour la région parisienne. Il est arrêté le 16 novembre 1943 à Évry Petit-Bourg lors d’un rendez-vous clandestin avec Joseph Epstein, son responsable. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Manouchian – Arménien – chef de bande – 56 attentats – 150 morts – 600 blessés ». 

Spartaco FONTANOT 
Italien, 22 ans, exécuté à 15h22

À tout juste 2 ans, il arrive en France avec ses parents antifascistes. Ne pouvant payer des études d’ingénieur, il devient tourneur dans une usine et fréquente les cours du soir de l’École des Arts et Métiers. Sympathisant communiste, il adhère à la CGT. Son père et sa sœur sont arrêtés en mars 1943. Recherché, il est contraint de quitter le domicile familial et entre dans la clandestinité par peur également d’être requis pour aller travailler en Italie. Il est d’abord versé au 3e détachement des Italiens. Il est alors classé parmi les tireurs d’élite et affecté en juin 1943 à l’équipe spéciale où il participe le 28 juillet à l’attentat qui vise le général Von Schaumburg, commandant du Grand Paris, mais qui n’atteint pas sa cible. Il devait faire partie de l’équipe qui exécute Julius Ritter mais est remplacé par Léo Kneller. Il est arrêté le 13 novembre 1943 à son domicile clandestin, à Montreuil-sous-Bois. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Fontanot – Communiste italien – 12 attentats ».

Amadeo USSEGLIO-POLATERA 
Italien, 32 ans, exécuté à 15h22

Il grandit en Italie avant d’arriver en France comme ouvrier-maçon au début des années 1930. Début 1943, il rejoint la Résistance. Il intègre en juillet 1943 le détachement italien des FTP-MOI. Il est arrêté à Mormant en Seine-et-Marne, en possession d’un pistolet automatique et d’une clef à tire-fond, en même temps que Léon Goldberg et Willy Schapiro, après avoir fait dérailler un train sur la ligne Paris-Troyes dans la nuit du 25 au 26 octobre 1943. 

Roger ROUXEL
Français, 18 ans, exécuté à 15h22

Enfant, il fréquente l’école communale de Vitry avec Robert Witchitz. Il se forme ensuite au métier de tourneur sur métaux. Il travaille à l’usine Texier-Dufort dans la construction mécanique à Ivry. Refusant le STO, il rejoint les FTP-MOI en mars 1943 par l’intermédiaire de Robert Witchitz, son ami d’enfance. Il intègre le 3e détachement des Italiens. Il participe à de nombreuses actions en compagnie de Witchitz, notamment l’attaque le 12 novembre 1943 de transporteurs de fonds allemand rue Lafayette. L’opération échoue. Robert Witchitz et Rino Della Negra sont blessés et arrêtés après cette action tandis que Roger Rouxel est arrêté deux jours plus tard, le 14 novembre. 

Robert WITCHITZ 
Français, 19 ans, exécuté à 15h22

Né dans le nord de la France, il est issu d’une famille de commerçants d’origine juive polonaise du côté de son père. Sa mère est d’origine française. Élevé par ses grands-parents et après des études dans des établissements laïques, il devient télégraphiste, puis coursier. Pendant la guerre, il travaille comme manœuvre au parc de l’artillerie allemande à Vincennes, jusqu’en juin 1943. Début 1943, pour se soustraire au STO, il intègre les FTP-MOI au sein du détachement des Italiens. Il est un des seuls Français d’origine étrangère du groupe. Le 12 novembre 1943, il est chargé avec Rino Della Negra de l’attaque de convoyeurs de fonds allemand. Cinq hommes assurent leur protection. Avec Rino Della-Negra, il tire sur le convoyeur, mais le service de protection ouvre le feu sur eux. Rino della Negra est grièvement blessé et arrêté. Robert Witchitz est également touché, mais il réussit à se réfugier dans une cave. Dénoncé, il est arrêté. L’arme qu’il a utilisée le trahit : il s’agit de celle qui a servi dans plusieurs actions contre des allemands et des collaborateurs. Robert Witchitz est alors affreusement torturé malgré ses blessures par les hommes de la BS2. Bien qu’il soit Français, sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec une légende erronée « Witchitz – Juif hongrois – 15 attentats ». 

Rino DELLA NEGRA
Français, 20 ans, exécuté à 15h29

Sa famille, antifasciste, quitte l’Italie pour Vimy, dans le Pas-de-Calais où il naît. Trois ans plus tard, ils s’installent à Argenteuil où Rino fréquente le club de football. Pratiquant assidû, il devient l’une des figures montantes du club. En parallèle, il travaille à l’usine Chausson d’Asnières puis dans diverses entreprises près de chez lui. En 1943, il est recruté par la prestigieuse équipe du Red Star Olympique de Saint-Ouen. En février 1943, il est réfractaire au STO et entre dans la clandestinité. Il continue à s’entraîner tout en participant à des actions au sein des FTP d’Argenteuil durant le printemps 1943. Il est ensuite versé au 3e détachement italien des FTP-MOI où il participe à plusieurs missions périlleuses. Il est arrêté le 12 novembre 1943 lors de sa dernière action : l’attaque de convoyeurs de fonds allemands qui tourne mal. Il tire avec Witchitz sur un des convoyeurs, mais un service de protection ouvre le feu sur eux. Della Negra est blessé une première fois. Il est repéré quelques heures plus tard rue Taitbout et est à nouveau blessé. Il est arrêté et conduit à l’hôpital de la Salpêtrière. Il aurait ensuite été emprisonné à la prison du Cherche-Midi ou à la prison de La Santé puis, dans l’attente de son procès, il est transféré à la prison de Fresnes où il reçoit le matricule « 8 712 ».

Georges CLOAREC
Français, 20 ans exécuté à 15h29

Comme son père, il est ouvrier agricole. Passé en zone Sud de manière clandestine, il s’engage dans la Marine en 1942 pensant servir la France. Après avoir crié « Vive la France ! À bas la collaboration ! » il est emprisonné un temps. En septembre 1943, il se réfugie chez son oncle à Alfortville par peur d’être requis au STO. Par l’intermédiaire d’un collègue italien, il rejoint les FTP. Il est affecté au 3e détachement italien et mène des actions clandestines avec Bancic, Elek, Luccarini, Fontanot ou encore Witchitz. C’est lors d’un rendez-vous avec ce dernier qu’il est arrêté le 13 novembre 1943 à la station Reuilly-Diderot. Cloarec ignore qu’en début d’après-midi, les policiers ont arrêté Witchitz suite à une action ratée rue La Fayette.

Antoine SALVADORI 
Italien de 23 ans, exécuté à 15h29

Craignant que son fils soit mobilisé dans l’armée fasciste italienne, le père d’Antoine Salvadori s’installe avec sa famille à Belfort en 1927. Il devient ouvrier du bâtiment. Travaillant à partir de septembre 1943 comme plongeur à l’organisation Todt, il refuse le STO et intègre les FTP-MOI grâce à Cesare Luccarini. Durant le même mois, il participe avec lui au grenadage d’une maison de tolérance. Le 12 novembre 1943 il prend part à l’attaque de transporteurs de fonds allemand rue Lafayette. L’opération échoue. Robert Witchitz et Rino Della Negra sont blessés et arrêtés après l’action tandis qu’Antoine Salvadori est interpellé un peu plus tard à son domicile. 

Cesar LUCCARINI 
Italien, 21 ans, exécuté à 15h29

Arrivé en France à l’âge de 8 ans avec sa famille antifasciste, il devient cimentier à Lille et adhère aux Jeunesses communistes en août 1940. Dès le début de l’Occupation, il participe aux premières formes de résistance. Repéré, il est arrêté en février 1942 et condamné à 2 ans de prison. Il s’évade du camp de Watten-Éperlecques dans le nord de la France lors d’un bombardement. Mobilisé dans les FTP, il est envoyé en région parisienne début 1943 et intègre le 3e détachement italien au sein des FTP-MOI. Le 12 novembre 1943 il participe en protection à l’attaque de transporteurs de fonds allemand rue Lafayette. L’opération échoue. Robert Witchitz et Rino Della Negra sont blessés et arrêtés tandis que Cesar Luccarini est interpellé un peu plus tard dans l’hôtel qui lui sert de planque. 

Joseph BOCZOR 
Hongrois, 38 ans, exécuté à 15h40

De son vrai nom Francisc Wolf, il naît dans l’Empire austro-hongrois (Roumanie à partir de 1919). Il est issu d’une famille juive aisée. Il s’engage très jeune dans les Jeunesses communistes. Après ses études d’ingénieur-chimiste à Prague, il traverse plusieurs pays pour rejoindre les Brigades internationales en espagne aux côtés des Républicains. Après la défaite, il est interné dans les camps français d’Argelès puis de Gurs où il devient responsable du groupe des Roumains.  Il est déchu de sa nationalité roumaine et lorsqu’en avril 1941 les Allemands souhaitent déporter les apatrides, il organise l’évasion du groupe d’un train qui les amène vers l’Allemagne. Il rejoint Paris et s’engage dans l’Organisation spéciale-Main-d’œuvre immigrée (OS-MOI). Il prend le pseudonyme de « Joseph Boczor » du nom d’un camarade de lycée, qui est fréquemment écrit « Boczov » suite à des erreurs de transcriptions. Il devient par la suite responsable du 1er détachement de la région parisienne puis crée le 4e détachement FTP-MOI des « dérailleurs ». Technicien chevronné, il se spécialise ainsi dans le déraillement des trains de l’armée allemande. Il est arrêté le 17 novembre 1943 en sortant de son domicile dans le 13e arrondissement de Paris.  Deux jours plus tard, du matériel de sabotage est saisi par la police dans un de ses domiciles clandestins. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Boczov – Juif hongrois – chef dérailleur – 20 attentats ».

Celestino ALFONSO 
Espagnol, 27 ans, exécuté à 15h40

Arrivé d’Espagne, il s’installe avec sa famille à Ivry. Il est reponsabl des Jeunesses communistes de la ville. Il travaille comme ouvrier menuisier. En 1936, il s’engage dans les Brigades internationales en Espagne et devient commissaire politique. De retour en France, il est interné à Argelès. Il est libéré pendant la Drôle de guerre pour être mobilisé au sein d’une compagnie de travailleurs étrangers (CTE). Il est de retour à Paris en juin 1940, mais est arrêté en janvier 1941. Il est alors contraint de travailler en Allemagne jusqu’en juin 1941. Il rejoint la Résistance à son retour en France. Chef de groupe dans les FTP-MOI et membre de l’équipe spéciale, il participe le 28 septembre 1943 à l’exécution de Julius Ritter. Il est arrêté le 17 novembre 1943 en se rendant chez sa mère qui hébergeait sa femme et son fils. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Alfonso – Espagnol rouge – 7 attentats ».

Marcel RAJMAN dit RAYMAN 
Polonais, 20 ans, exécuté à 15h40 

Arrivé en France avec sa famille en 1930, il devient ouvrier tricoteur. Il participe aux activités culturelles et sportives des pionniers et du Yask et milite à l’Union des jeunes Juifs (jeunes communistes) animée par Henri Krasucki. Dès le début de l’Occupation, il participe à des actions de propagande (collages d’affiche et papillons, diffusion de journaux et de tracts clandestins…) Son engagement devient plus radical après l’arrestation de son père en 1941 lors d’une rafle. Il entre alors dans la clandestinité avec sa mère et son frère. Il intègre en septembre 1942 le 2e détachement des FTP-MOI. Sportif et très bon tireur, il forme les nouveaux combattants dont Missak Manouchian.  En juin 1943, il prend la direction de « l’équipe spéciale », chargée au sein des FTP-MOI des opérations les plus délicates. Il participe ainsi le 28 septembre 1943 à l’exécution de Julius Ritter. Il est arrêté le 16 novembre 1943 au cours d’un rendez-vous avec Olga Bancic et Josef Zvec. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Rayman – Juif polonais – 13 attentats ». 

Thomas ELEK
Hongrois, 18 ans, exécuté à 15h47

Sa famille antifasciste juive et athée s’installe en France en 1930. Étudiant, il sympathise avec les Jeunesses communistes de Paris. En 1941, il noue des premiers contacts avec des étudiants résistants de la Sorbonne dans le restaurant Le fer à cheval que sa mère tient depuis 1933 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève à Paris et qui servira par la suite de cache d’armes. En août 1942, il intègre les FTP-MOI. En 1943, il devient l’adjoint technique de Joseph Boczor dans le 4e détachement des « dérailleurs ». Il participe notamment au déraillement du 28 juillet de la même année sur la ligne Paris-Château-Thierry, causant la mort de plusieurs centaines de soldats allemands. Il est arrêté le 21 novembre 1943 dans sa planque du 14e arrondissement avec du matériel de sabotage et des tracts clandestins. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Elek – Juif hongrois – 8 déraillements ».

Maurice FINGERCWAJG
Polonais, 21 ans, exécuté à 15h47

Issu d’une famille juive qui immigre en France en 1926, Maurice suit son frère aîné Jacques à la CGT et aux Jeunesses communistes, en parallèle de son métier d’ouvrier tapissier. Ses frères et son père sont raflés puis déportés au printemps 1942. Aucun ne revient d’Auschwitz. Il distribue des tracts clandestins pour la MOI et entre dans les FTP en avril 1943. Il rejoint le 2e détachement juif des FTP-MOI. En août 1943, il intègre le détachement des « dérailleurs » et participe à plusieurs sabotages de train, notamment sur la ligne Paris-Troyes. Il est arrêté le 17 novembre 1943.

Wolf WAJSBROT 
Polonais, 18 ans, exécuté à 15h47

Installé en France dans son enfance, il suit un apprentissage en mécanique dans un centre pour jeunes juifs. Il fréquente à la même période, un patronage communiste à Ivry. Ses parents sont arrêtés lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ et ne reviennent pas d’Auschwitz. Il s’engage peu après dans le 2e détachement juif des FTP-MOI où il participe à une dizaine d’actions avec Marcel Rayman. Il intègre le 4e détachement des « dérailleurs » en juillet 1943. Il est arrêté le 17 novembre 1943 à Paris, chez son amie Sarah Danciger, militante de la MOI. La police trouve sur lui deux fausses cartes d’identité, deux pistolets automatiques, un code d’honneur des FTP et des tracts. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Wajsbrot – Juif polonais – 1 attentat – 3 déraillement ». 

Jonas GEDULDIG 
Polonais de 26 ans, exécuté à 15h47

Fils d’ouvriers juifs, il adhère aux Jeunesses communistes et part à 16 ans en Palestine rejoindre son frère. Il travaille dans la construction mécanique. En 1937, il rejoint les Brigades internationales en Espagne où il est blessé. Après la défaite des Républicains espagnols, il est de retour en France, et est interné à Gurs puis à Argelès d’où il parvient à s’échapper. Il regagne Paris fin 1940 et travaille comme électricien au fort d’Ivry jusqu’en novembre 1941. Il participe à partir de 1941 à des actions de sabotage de machines dans les ateliers artisanaux de fourrure et soutient les actions de réduction de la production dans le secteur de la ganterie. En avril 1942, il rejoint les FTP-MOI au sein du 2e détachement juif et intègre en juillet 1943 le détachement des « dérailleurs ». Le 24 septembre 1943, il est dans l’équipe qui sabote la voie ferrée à la hauteur de Brie-Comte-Robert en Seine-et-Marne. Il est arrêté le 17 novembre 1943. 

Armenak MANOUKIAN
Arménien, 45 ans, exécuté à 15h52

Arpen Tavitian travaille dès l’âge de 14 ans comme mécanicien puis typographe. Membre du parti bolchevik en 1917, il mène ensuite une vie d’étudiant révolutionnaire en Géorgie. Anti-stalinien, il est arrêté et interné en 1928. À l’expiration de sa peine, il est relégué en janvier 1934 en Asie centrale, à Andijan. Il s’enfuit sous la fausse identité de « Manoukian » et publie en 1935 sa biographie pour témoigner du sort des prisonniers politiques en URSS. Deux ans plus tard, il arrive à Paris avec l’aide de Trotski. Il entre comme serrurier chez Renault, et se rapproche de communistes arméniens. Il part travailler en Allemagne de janvier 1941 à mars 1942. À son retour, il se lie d’amitié avec le couple Manouchian. Missak le fait entrer dans le groupe arménien de la MOI et dans le 1er détachement des FTP-MOI en juillet 1943. Il est blessé accidentellement lors d’une l’opération qui échoue le 5 octobre 1943. Après avoir été soigné à la clinique Alésia, la sœur de Mélinée le recueille chez elle avant qu’il ne trouve une chambre d’hôtel. C’est là que Mélinée le soigne pendant plus d’un mois. Malgré les mises en garde de Mélinée, il est arrêté le 19 novembre 1943 après avoir rejoint son domicile. 

Léon GOLDBERG
Polonais, 20 ans, exécuté à 15h52

Il quitte la Pologne avec sa mère juive en 1929 pour rejoindre en France son père qui travaille comme tailleur. Lebj prend le nom de Léon. C’est un élève brillant qui souhaite devenir instituteur. Il obtient d’ailleurs une bourse d’études. En mai 1942, il entre comme stagiaire à l’usine métallurgique Rateau de La Courneuve. Le 16 juillet 1942, ses parents et ses deux jeunes frères sont victimes de la rafle du Vel d’Hiv’. Ils sont déportés et ne reviennent pas d’Auschwitz. Léon entre dans les FTP-MOI et rejoint le 2e détachement juif. Il est ensuite affecté au détachement des « dérailleurs ». Le 24 septembre 1943, il est dans l’équipe qui sabote la voie ferrée à la hauteur de Brie-Comte-Robert en Seine-et-Marne. Filé par la Brigade spéciale n°2, il est arrêté à Mormant en Seine-et-Marne en possession d’un pistolet de calibre 7.65, en même temps que Willy Schapiro et Amadeo Usseglio, après avoir fait dérailler un train sur la ligne Paris-Troyes dans la nuit du 25 au 26 octobre 1943. 

Salomon [Willy] SCHAPIRO WOLF 
Polonais de 33 ans, exécuté à 15h52

Il rejoint la Palestine sous mandat britannique à l’âge de 20 ans etl milite au sein des organisations ouvrières contre l’impérialisme anglais. En 1933, après deux ans en prison, il est expulsé vers L’Europe. Il rejoint l’Autriche et milite au parti communiste autrichien illégal. En 1938, après l’annexion du pays par l’Allemagne, il gagne Paris. Pendant la Drôle de guerre, il est affecté dans une usine en province. Dès l’été 1940, il revient sur Paris et travaille comme ouvrier-fourreur. Militant puis responsable du syndicat clandestin CGT de la profession,  il réussit à trouver de nouvelles recrues malgré les arrestations fréquentes. En juillet 1943, il intègre le 2e détachement des FTP-MOI puis est affecté au détachement des « dérailleurs ». Il est arrêté avec une arme, à Mormant en Seine-et-Marne, en même temps que Léon Goldberg et Amadeo Usseglio, après avoir fait dérailler un train sur la ligne Paris-Troyes dans la nuit du 25 au 26 octobre 1943. 

Szlama GRZYWACZ 
Polonais, 35 ans, exécuté à 15h56

Il naît près de Varsovie dans une famille juive ouvrière. Dès 1925, il milite activement aux Jeunesses communistes. Il est arrêté en 1931. Après 5 années de prison, il poursuit ses activités militantes. Recherché par la police, il émigre en France pour fuir la politique antisémite du régime autoritaire polonais. Il s’installe en France en mai 1937 et s’engage fin novembre dans les Brigades internationales. À son retour d’Espagne, il est interné au camp de Gurs puis à Argelès. Il s’évade et regagne Paris. Il est actif dans les syndicats clandestins auprès des travailleurs juifs de la fourrure et organise des actions pour ralentir la production d’uniformes. Il rejoint le 2e détachement des FTP-MOI en août 1942. Il est l’auteur de l’attaque à la grenade de la cave de l’immeuble occupé par le journal officiel de l’occupant allemand, le Parizer Zeitung. Il est arrêté le 19 novembre 1943. Sa photo est reproduite en médaillon sur l’Affiche rouge avec la légende « Grzywacz – Juif polonais – 12 attentats ». En février 2023 , il est reconnu « mort pour la France », seul du « groupe Manouchian » à cette époque à ne pas avoir encore obtenu cette reconnaissance. 

Stanislas KUBACKI 
Polonais, 35 ans, exécuté à 15h56

Arrivé en France en 1925, il est ouvrier-mouleur dans le Pas-de-Calais. Il se marie et a un fils en 1930. Dans la continuité de son engagement militant en Pologne, il adhère au PCF. Visé par un arrêté d’expulsion en 1937, il s’engage dans les Brigades internationales en Espagne. Il est interné  à son retour au camp du Vernet et de Gurs. Déporté en Allemagne pendant l’Occupation, il réussit à s’évader. Il rejoint Paris et prend contact avec la Résistance. Il intègre les FTP-MOI à une date inconnue. Soupçonné de vol, il est interpellé en mai 1942. Il est arrêté avec des carnets compromettants et des faux papiers. Il réussit à s’échapper du commissariat. Au début de l’été 1942, il travaille quelque temps sous le nom d’Ignace Kuba comme bûcheron à Montgeron. Se sentant recherché, il quitte ce chantier pour poursuivre ses activités de résistance. Début décembre 1942, il se réfugie chez Anna Finkelstein, de nationalité danoise et de confession juive à Puteaux. Le 7 décembre des inspecteurs des Brigades spéciales y arrêtent Stanislas Kubacki qui se cache sous un faux nom. 

Fusillé le 11 avril 1944 au Mont-Valérien

Joseph EPSTEIN 
Polonais, 32 ans

Issu d’une famille juive aisée, il est étudiant en droit à Varsovie et membre du Parti communiste. Il est arrêté lors d’une prise de parole devant une usine puis relâché. Il se réfugie en Tchécoslovaquie d’où il est rapidement expulsé.  En 1931, il gagne la France et rencontre Paula (Perla) qui devient son épouse. Il obtient son diplôme en 1935. L’année suivante, il part en Espagne avec les Brigades internationales. Il est grièvement blessé. À son retour, il est interné au camp de Gurs. Libéré, il est assigné à résidence à Bordeaux puis s’engage après la déclaration de guerre dans la Légion étrangère. Fait prisonnier par les Allemands, il est envoyé au Stalag IVB près de Leipzig d’où il s’évade. De retour à Paris fin décembre 1940, il joue un rôle dans la réorganisation du PCF. Du fait de son expérience militaire en Espagne, il est l’un des responsables de groupes de sabotages de la CGT. En 1943, il est placé à la tête de l’ensemble des FTP de l’Île-de-France sous le nom de colonel Gilles. Il développe une technique de guérilla urbaine très efficace en augmentant le nombre de combattants lors des actions. Il est arrêté lors d’un rendez-vous clandestin avec Manouchian le 16 novembre 1943 à Évry Petit-Bourg. Torturé pendant plusieurs mois, il ne révèle pas son identité. Il n’est pas jugé en même temps que les « 23 », mais condamné à mort le 23 mars 1944. Il est fusillé le 11 avril 1944 au Mont-Valérien sous le nom de Joseph Andrej. Le jour de son exécution, il aide un de ses compagnons à s’évader du camion qui les amène sur le lieu de l’exécution. 

Décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart (Allemagne) 

Olga BANCIC 
Roumaine, 32 ans

Elle travaille comme ouvrière dès son plus jeune âge. Militante syndicaliste en Roumanie, elle épouse à 16 ans l’écrivain Salomon Jacob connu sous le nom d’Alexandre Jar. Elle s’exile en France en 1938 après avoir été plusieurs fois arrêtée et torturée. Elle s’inscrit à la faculté de lettres. Alors que son époux est engagé en Espagne aux côtés des Républicains, elle donne naissance à Dolorès (en hommage à « La Passionaria »). En 1941, elle confie son bébé à une famille française. Avec son mari, elle s’engage dans la Résistance, puis intègre les FTP-MOI. Sous le pseudonyme de Pierrette, elle assure le stockage, le transport et la récupération des armes pour les différentes actions. Elle est arrêtée le 16 novembre 1943 lors d’un rendez-vous avec Marcel Rayman et Josef Zvec. Elle comparait avec ses 22 compagnons d’armes FTP-MOI devant le tribunal militaire allemand en février 1944. Comme toutes les autres résistantes françaises condamnées à mort, elle est déportée en Allemagne. Elle y est à nouveau jugée et finalement guillotinée le 10 mai 1944 dans la cour de la prison de Stuttgart. 

Survivante

Mélinée MANOUCHIAN
Arménienne, décédée à 76 ans

Rescapée du génocide arménien avec sa sœur, Mélinée Assadourian est transférée en Grèce en 1922. Elle arrive en France en 1926 où elle intègre une école de Marseille. Elle rejoint Paris quelques années plus tard et acquiert une formation de sténodactylo. Elle loue un logement à Paris à l’oncle de Charles Aznavour. Révoltée par l’injustice, elle prend contact avec une organisation arménienne. Elle milite alors au Comité central de Secours pour l’Arménie (HOK) dont elle devient secrétaire. Elle y rencontre Missak Manouchian qu’elle épouse en 1936. Compagne dans la vie et dans la Résistance de celui-ci, elle échappe aux arrestations de novembre 1943. En 1947, elle s’installe en Arménie soviétique puis revient en France en 1963. Elle participe à la transmission de la mémoire de son époux et des étrangers dans la Résistance française. Elle publie en 1977 une biographie de Missak intitulée Manouchian dont une réédition augmentée par sa petite-nièce Katia Guiragossian est parue en novembre 2023.