Le fonds photographique de presse dit du Matin

Le fonds photographique de presse dit du Matin

Un fonds complexe

Le fonds dit du Matin résulte de la production photographique de grands acteurs de la presse parisienne et nationale qui se sont succédé au siècle dernier dans les immeubles du boulevard Poissonnière et de la rue du Faubourg Poissonnière (Paris, 9e arrondissement), amalgamant leurs archives photographiques et générant ainsi – entre 1925 et la fin des années 1950 – quelques 320 000 négatifs – essentiellement sur plaque de verre.

Entré dans les collections du Musée de la Résistance nationale en 1987 sous forme de vrac (un complément est conservé aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis), ce fonds complexe réunit une dizaine de producteurs identifiés :

  • Le Matin : fondé en 1884, il est l’un des quatre Grands de la presse quotidienne parisienne du début du XXe siècle. Principal producteur de ce fonds, Le Matin est le premier quotidien reparaissant avec l’aval des autorités allemandes dans le Paris occupé (17 juin 1940). Le 17 août 1944, quelques jours avant l’insurrection parisienne et la Libération de la capitale et au terme de quatre années de collaboration, le journal se saborde. Cet ensemble, qui s’étend du milieu des années 1920 à l’été 1944 permet d’aborder par l’image toutes les grandes thématiques d’une époque : faits divers, modes, événements politiques, culturels, sportifs, vie quotidienne. Son statut particulier entre 1940 et 1944 offre un aperçu inédit des problématiques de la période permettant ainsi de renouveler l’iconographie connue : présence allemande, vie quotidienne, approvisionnement, politique de Collaboration de l’État français (Relève, Service du travail obligatoire, rafles) et des mouvements collaborationnistes (Parti populaire français, Ligue des volontaires français contre le bolchevisme, Milice, etc.).

  • Libération-Soir et Le Populaire : quotidiens républicains – né pour le premier de la Résistance, reparu dans la clandestinité pour le second – entrés dès le 21 août 1944, à la faveur de la Libération de Paris, dans les locaux abandonnés par Le Matin et placés sous séquestre. Paraissant dès le lendemain au grand jour, ces journaux couvrent : les combats de la Libération de Paris et plus largement du territoire (poche d’Alsace), la reconstruction politique (assemblée, élections, tour de France du général de Gaulle), économique et sociale de la France d’après-guerre, le retour des déportés, les premières commémorations, etc.

  • L’Humanité : le journal est locataire à partir de 1956 des immeubles et équipements d’imprimerie du boulevard Poissonnière dont le séquestre est géré par la Société nationale des entreprises de presse (SNEP) après transfert à l’État des biens confisqués pour faits de collaboration. Il y transfère l’ensemble de ses activités, ses archives ainsi que celles d’autres organes de presse : Ce Soir, Regards ou encore Les Lettres françaises. L’Humanité y déménage également une partie des archives photographique du quotidien Paris-Soir (1935-1938) et du magazine Marie-Claire (1937-1938) dont le journal a occupé les locaux à partir de 1947. Des négatifs produits par le journal Libération (d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie) y sont agrégés, le titre s’étant installés dans les locaux laissés vacants par Paris-Soir à l’été 1944. Cet ensemble, qui s’étend jusqu’à la fin des année 1950, contient de très beaux reportages sur le Front populaire, la Libération et la Reconstruction.

    En 1987, L’Humanité dépose l’ensemble de ces archives photographiques de presse au Musée de la Résistance nationale. Le don est enregistré en 1997 auprès de la commission des musées classés et contrôlés.

Un patrimoine exceptionnel

L’originalité et l’immense richesse du fonds photographique dit du Matin tiennent à la constitution particulière du fonds, à l’étendue de la période couverte (du milieu des années 1920 à la fin des années 1950), au caractère exceptionnel des journaux producteurs (Grands quotidiens de l’avant-guerre : Paris-Soir, Le Matin ; journaux de la collaboration : Le Matin ; ou de la libération Libé-Soir, Le Populaire, Ce Soir etc), à la diversité des sujets traités (avec un ancrage principalement local correspondant au territoire de l’ancienne Seine mais également des reportages à prétention nationale voire internationale avec notamment dans les années trente des reportages sur l’Empire colonial français en Afrique – reportages de Kessel ; et pour la Seconde guerre mondiale des reproductions de photographies transmises par les agences allemandes et italiennes notamment),à la grande qualité technique et esthétique des photographies et à leur caractère inédit.

Un chantier d’envergure permettant l’ouverture progressive du fonds

Le fonds est entré dans les collections en 1987 – à une date où l’intérêt pour les fonds photographiques de presse et la conscience de leur nécessaire sauvegarde sont, il faut le souligner, tout à fait exceptionnels. Malgré cet intérêt précoce, le traitement et la valorisation de ce don du journal L’Humanité ont longtemps été retardés faute de moyens humains, financiers et techniques – auxquelles la numérisation permet aujourd’hui de pallier.

Il s’agit d’un fonds délicat à appréhender dont la complexité et la nature ont constitué un frein notable à son traitement. Cet ensemble est parvenu au MRN à l’état de vrac et sans inventaire. Comme toute production de presse, elle relève d’une pratique accumulatrice, et constitue donc un ensemble volumineux, estimé à 12 tonnes soit environ 320 000 phototypes.

Cet ensemble est composé presque exclusivement de négatifs au gélatino-bromure d’argent, ce qui en contraint la lisibilité et l’accessibilité et nécessite le recours à des techniques de reproduction et d’interprétation pour pouvoir être valorisé. La variété des supports (plaque de verre, films cellulosiques, etc.) induit par ailleurs des problématiques de conservation particulières. L’état de conservation général du fonds est cependant remarquable.

Le traitement et la valorisation du fonds photographique du Matin induit un vaste chantier : conservation préventive, identification des producteurs, inventaire et indexation des reportages, numérisation, valorisation, etc. Le mécénat d’entreprise permet la mise en œuvre de l’ensemble de ces opérations.


Aller plus loin :

  • Musée de la Résistance nationale (coll.), Les Résistants, 1940-1945 : récits, témoignages et documents inédits du Musée de la Résistance nationale. Paris : Belin, 2015.
  • DEMERSSEMAN, Agathe. « Les campagnes antisémites du journal collaborationniste Le Matin : le traitement de la rafle du billet vert (mai 1941) ». En Jeu. Histoire et mémoires vivantes, Nouvelles recherches sur les déportations et les camps, no10, décembre 2017.
  • DEMERSSEMAN, Agathe, « Traitement et description d’un fonds photographique de presse en musée : le fonds dit « du Matin » au musée de la Résistance nationale », In Situ [En ligne], 36 | 2018, mis en ligne le 15 octobre 2018, consulté le 19 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/insitu/17511

Ce projet bénéficie du soutien et de l’expertise :

  • de la Région Île-de-France, de la Ville de Paris, du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, du Conseil départemental du Val-de-Marne.
  • des Archives nationales, Archives départementales de Seine-Saint-Denis et de Mémoires d’Humanité, de l’Établissement de Communication et de Production audiovisuelle de la Défense (ECPAD).
  • de comités d’entreprise : SNCF, CCAS ( EDF-GDF), CRE RATP, BERIM.
  • de mécènes : EIFFAGE, EI Tuyauterie Electromécanique, EVEN, France TRAVAUX, Groupe SAUR, LELLI Architectes, OTV, Prunevieille entreprise, Razel Rigolot entreprise, Soletanche Bachy…

Le Musée de la Résistance nationale remercie chaleureusement l’ensemble de ses partenaires, mécènes et  bénévoles pour leur engagement.